Lampedusa
Lampedusa (Sur l’air de L’enfant au tambour)
Dans ce rafiot bondé tout près de Mahdia,
Je cherche au loin les feux de Lampedusa.
Au milieu de la nuit très loin d’Asmara,
J’aspire à la terre ferme, à Lampedusa,
Lampedusa, Lampedusa…
Je ne crains plus la faim, la peur ou le froid,
La guerre là-bas
Lampedusa, Lampedusa…
Avec cinq cents migrants rêvant comme moi
De paix pour leurs enfants, d’amour et de joies,
D’échapper aux conflits, au sang, à l’effroi,
Je guette au loin les feux de Lampedusa,
Lampedusa, Lampedusa…
Dans un mirage, la terre se met à danser,
À balancer
Lampedusa, Lampedusa…
Mais, tout à coup, le ciel se prend à gronder,
À l’unisson les vagues commencent à gonfler,
À la furie l’esquif ne peut résister.
Je vois au loin les feux de Lampedusa,
Lampedusa, Lampedusa…
Dans les trombes d’eau, la terre se met à trembler,
À vaciller
Lampedusa, Lampedusa…
Nos corps enchevêtrés ont tous basculé,
Dans la mer d’encre noire tout a chaviré.
Les hommes du désert ne savent pas nager,
On a coulé dans l’eau de Lampedusa,
Lampedusa, Lampedusa…
Le chaos vers le fond nous a aspirés
On s’est noyé
Lampedusa, Lampedusa…
Sous le calvaire en bois de Lampedusa,
On a touché la terre les bras en croix.
Trois cents cercueils en bois alignés bien droits,
Un trou pour un visa à Lampedusa,
Lampedusa, Lampedusa…
Nos espoirs ont sombré très loin d’Asmara
Pour un visa
Lampedusa, Lampedusa…
Josiane Thibault
Bad games
T’as que des jobs de bas d’gamme
t’es toujours en « second hand »
faut pas que ce soit « The End »
C’est quand même pas si « sexy »
de faire le mandaï chéri
trop rarement engagé
BAD GAME, BAS DE GAMME
CE N’EST QUE DE LA SURVIE
BAD GAME BAS DE GAMME
IL TE FAUT UNE AUTRE VIE
Comm’ t’es largué(e) des circuits
on t’écrit toujours en Word
mais tu n’as plus le password
ALE et Interims
t’exilent loin sur des îles
où brillent des soleils fragiles
BAD GAME, BAS DE GAMME
CE N’EST QUE DE LA SURVIE
BAD GAME BAS DE GAMME
IL TE FAUT UNE AUTRE VIE
Si tu travailles la nuit
çà fait exploser ta vie
tu vois même plus ta famille
Flexible à l’infini
on finira par briser
ce qui reste de ta vie
BAD GAME, BAS DE GAMME
CE N’EST QUE DE LA SURVIE
BAD GAME BAS DE GAMME
IL TE FAUT UNE AUTRE VIE
Comme cadre bien payé
te voilà overbooké
il te faudrait du congé
Mais dans ta tour de verre
on t’envoie de vrais experts
pour bien « te faire prendre l’air »
BAD GAME, BAS DE GAMME
CE N’EST QUE DE LA SURVIE
BAD GAME BAS DE GAMME
IL TE FAUT UNE AUTRE VIE
Sûrs qu’on est bien divisés
par ces contrats oppressants
Mais on n’est plus des enfants
Et comme disaient nos parents
« la liberté ça se prend »
et pas qu’avec des gants
BAD GAME, BAS DE GAMME
CE N’EST QUE DE LA SURVIE
BAD GAME BAS DE GAMME
IL TE FAUT UNE AUTRE VIE
BAD GAME, BAS DE GAMME
OUI NOUS VOULONS LA VRAIE VIE
BAD GAME BAS DE GAMME
GAME OVER, C’EN EST ASSEZ.
Serge Verstraeten
Sfax, Gabez, Zarzizz, Madhia, Ashmara
Ces vill’s aux noms très doux s’éloignent de moi
Avec 500 migrants sur un pont de bois
Je rêve aux lampes douces de Lampedusa
Ce petit port perdu au Nord
Où l’on ignore la faim la guerre et le froid
A Lampedusa
Fuyant des vill’s en flammes sur ce bateau
Nous rêvions d’une vie calme d’un petit boulot
Nous sommes à la merci des passeurs idiots
Entassés dans l’esquif comme des animaux
Entre les récifs au milieu des flots
500 errants perdus rêvant comme moi
A Lampedusa
Mais soudain les vagues se mettent à gonfler
Notre rafiot dans l’eau noire a chaviré
Les hommes du désert ne savent pas nager
Quand les marins pêcheurs nous ont repêchés
Quelques sauvés quatre cents noyés
Quatre cents morts quand le bateau chavira
A Lampedusa
Je ne sais pas ce que nous deviendrons là-bas
Des sans papiers enfermés comme des parias ?
Des étrangers qui viennent « voler des emplois »,
Nouveaux boucs émissaires d’une vieille misère ?
Un raciste est quelqu’un qui s’trompe de colère
Je ne sais pas ce qui nous attend là-bas
A Lampedusa
Quand nous sommes arrivés à Lampedusa
C’est en faisant la planche les bras en croix.
Sur la plage, allongé j’attends mon visa.
Trois cents cercueils en rang ont gagné le droit
De rester là à Lampedusa
D’avoir enfin un toit quatre planches en bois
A Lampedusa
Texte collectif
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